Nous avions déjà exposé dans un précédent article (l'assiette de recours des tiers payeurs et le droit de victimes à une juste indemnisation : l'histoire d'un formidable retour en arrière), la position extrêmement contestable et paradoxale de la Cour de Cassation concernant d'une part l'objet de la rente accident du travail et d'autre part son imputabilité sur des postes de préjudice à caractère extrapatrimoniaux.
Rappelons brièvement que, dans un premier temps, la Cour de Cassation avait instauré une présomption simple d'imputabilité de la rente accident du travail sur les postes à caractère patrimoniaux.
Si les tiers payeurs souhaitaient imputer tout ou partie de cette rente sur un poste à caractère extra patrimonial, il leur appartenait de démontrer effectivement que la rente compensait un préjudice personnel.
Cette position était en cohérence avec l'avis du Conseil d'Etat qui avait précisé, le 5 mars 2008, que l'objet exclusif de la rente accident du travail était de contribuer à la réparation du préjudice subi par la victime dans sa vie professionnelle du fait de son handicap.
Dans un second temps, par plusieurs arrêts de 2009, la Cour de Cassation a changé radicalement de position en remettant en cause la présomption simple d'imputabilité de la rente accident du travail sur les postes de préjudices patrimoniaux.
Ainsi, la Cour de Cassation a précisé que la rente accident du travail réparait nécessairement, en l'absence de perte de gain professionnel et d'incidence professionnelle, le poste de préjudice lié au déficit fonctionnel permanent mais également au poste de déficit fonctionnel temporaire (Cour de Cassation 19 mai 2009, 11 juin 2009).
Il n'était plus fait guère allusion à une quelconque nécessaire et préalable démonstration de la part des tiers payeurs et le fait que la rente ne soit versée qu'à compter de la consolidation de la victime ne semblait poser aucune difficulté pour que la Cour décide néanmoins que la rente pouvait d'imputer sur le poste de déficit fonctionnel temporaire (soit avant consolidation)!
La saga ne s'arrête cependant pas là...
En effet, par une décision du 18 juin 2010, le Conseil Constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité concernant la question du régime d'indemnisation des victimes d'accident du travail en cas de faute inexcusable de l'employeur.
Outre que cette décision a un impact fondamental sur le régime d'indemnisation de ces victimes dont le Conseil Constitutionnel a rappelé qu'elles devaient bénéficier d'une réparation intégrale comme toute autre victime, cette décision est également importante car le Conseil Constitutionnel s'est prononcé sur l'objet de la rente accident du travail.
Le Conseil Constitutionnel l'a défini comme destinée à compenser la perte de salaire résultant de l'incapacité.
Le Conseil Constitutionnel estime donc que la rente accident du travail a un objet purement patrimonial ce qui est en total contradiction avec les arrêts rendus par la Cour de Cassation…..
Espérons dès lors que la Cour de Cassation entendra le Conseil des Sages… la saga continue.
François LAMPIN