Une catégorie de victimes est souvent négligée, voire oubliée au seul motif qu'elles n'ont pas été directement concernées par le fait générateur du préjudice.
Je parle des conjoints, des enfants, des parents ou de toutes les personnes qui partagent un lien affectif direct avec une victime d'un dommage corporel.
Non affectée directement par l'accident ou l'infraction, elles en subissent pourtant les conséquences de par leur communauté de vie, de par la vision de la souffrance ressentie par un être proche, de par leur quotidien totalement bouleversé par les impératifs de soin ou par les troubles psychologiques de la victime directe…
Le handicap ne touche pas uniquement la victime directe mais également tout son entourage.
Cet oubli est condamnable d'autant plus que la nomenclature DINTILHAC a expressément prévu l'indemnisation de ce poste de préjudice qualifié de "préjudice d'affection".
La nomenclature DINTILHAC le définit comme suit :
"Il s'agit d'un poste de préjudice qui répare le préjudice d'affection que subissent certains proches à la suite de la survie handicapée de la victime directe.
Il s'agit du préjudice moral subi par certains proches à la vue de la douleur, de la déchéance et de la souffrance de la victime directe.
Il convient d'inclure à ce titre le retentissement pathologique avéré que la perception du handicap de la victime survivante a pu entrainer chez certains proches.
Il convient d'indemniser quasi automatiquement le préjudice d'affection des parents les plus proches de la victime directe (père et mère etc…) mais pas uniquement.
Toutes personnes établissant avoir entretenu un lien affectif réel avec la victime directe peu solliciter l'indemnisation de ce poste de préjudice."
Dans un arrêt du 1er juillet 2010, la Cour de Cassation vient rappeler que cette indemnisation dépend de la seule preuve d'un préjudice (preuve évidente au cas d'espèce puisque les requérants à l'indemnisation étaient les enfants et la mère de la victime) et non de la nature du handicap.
C'est ainsi que la Cour de Cassation a cassé un arrêt rendu par la Cour d'Appel d'Aix en Provence qui avait subordonné l'indemnisation de ce préjudice à "la nature d'un handicap présentant un caractère exceptionnel"(Cour de Cassation 2ème Civile 1er juillet 2010 N° 09/15.907).
Ainsi, la Cour de cassation vient rappeler que le préjudice des proches n'est pas exclu en dessous d'un certain seuil de souffrance.
Tout préjudice doit être indemnisé à partir du moment où il existe, que cela soit au bénéfice de la victime direct ou indirecte.
Une solution contraire aurait impliquée une discrimination non fondée, basée sur un critère injuste, artificiel et non mesurable.
Reste que cette évidence a dû être réaffirmée par la Cour de Cassation, signe que la solution n'allait pas vraiment de soit pour la Cour d'appel d'Aix en Provence…..ce qui en dit long sur les progrès qu'il convient de faire dans le domaine de la réparation du dommage corporel!
François LAMPIN
Avocat
Titulaire du champ de compétence en réparation du préjudice corporel