L’existence d’un consentement éclairé est la base du droit des contrats. Son non-respect entraîne la nullité de la convention passée et le versement de dommages et intérêts.
Dans le domaine médical, depuis l’arrêt MERCIER rendu par la Cour de cassation, les relations patient/médecin sont régies par le droit des contrats.
L’exigence d’un consentement éclairé est fondamentale car l’objet du contrat passé porte sur le corps du patient, sa santé.
L’obligation d’information du patient a pour corollaire la protection de la dignité de la personne humaine.
Depuis une quinzaine d’années, la Cour de cassation a renforcé les exigences d’information du patient que ce soit sur la charge de la preuve du défaut d’information ou sur l’objet de cette information.
Cette évolution a été consacrée par la loi du 4 mars 2002 et l’article L 1111-2 du code de la santé publique libellé comme suit :
“Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.
La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.
Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l'autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l'information prévue par le présent article, sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle.
Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l'information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé.
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l’information a été délivrée.............”
Néanmoins, en pratique, si le défaut d’information était consacré par les juridictions, il n’était pas toujours sanctionné....
Ainsi, le défaut d’information du patient n’était sanctionné qu’à la condition que soit caractérisée, pour le patient, la perte de chance de se soustraire à l’acte médical s’il avait été dûment informé.
Autrement dit, le patient n’était pas indemnisé si les tribunaux considéraient qu’il aurait tout de même accepté l’intervention même informé des risques.
Cette évaluation est bien évidemment difficile, les juges étant tenus d’une part de se mettre à la place du patient pour apprécier qu’elle aurait pu être son comportement une fois informé des risques d’autre part d’évaluer en pourcentage les chances que le patient aurait eues de refuser l’intervention.
L’objet du débat ne portait donc plus sur l’absence de consentement éclairé mais sur une extrapolation du comportement du patient à posteriori.
L’absence d’indemnisation de patients, alors que le non-respect de l’obligation du médecin était consacré par les tribunaux, laissait un goût amer à ces derniers, ayant le sentiment qu’on avait disposé de leurs corps et de leur santé sans leur accord et ce en toute impunité....
Par un arrêt du 3 juin 2010, la Cour de Cassation vient d’opérer un revirement de jurisprudence pour y remédier au nom du respect de la dignité de la personne humaine.
La Cour de Cassation (1ère Civ n°09-13.591) vient de casser un arrêt rendu par la Cour d’appel de TOULOUSE refusant d’octroyer des dommages et intérêts à un patient qui n’avait pas été informé des risques d’impuissance d’une intervention au motif que l’intervention était nécessaire en raison des risques encourus par le patient qu il l’aurait donc accepté même dûment informé.
“Attendu qu’il résulte des articles 16, 16-3 alinéa 2 du code civil que toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n’est pas à même de consentir, que le non respect du devoir d’information qui en découle, cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice, qu’en vertu du dernier des textes visés, le juge ne peut laisser sans réparation.”
Ainsi, le non respect de l’obligation d’information du patient lui crée nécessairement un préjudice qu’il convient de réparer indépendamment de toutes considérations liées à une perte de chance.
La Cour de cassation a rendu cet arrêt au visa de l’article 1382 du code civil, la responsabilité du médecin pour défaut d’information est donc devenue une responsabilité délictuelle....
Cet arrêt annonce donc la fin du défaut d’information non sanctionné au nom de la dignité de la personne humaine.
L’indemnisation consistera à réparer ce préjudice moral inhérent au droit violé.
Attendons maintenant les arrêts ultérieurs pour avoir une illustration des montants alloués en espérant qu’il ne soit pas dérisoire car ce serait faire peu de cas de la dignité de la personne humaine consacrée par la Cour de Cassation.
François LAMPIN