L’indemnisation des Victimes d’infections Nosocomiales :
Mode d’emploi
Selon les données officielles issues du plan de lutte contre les infections nosocomiales pour les années 2005 - 2008, environ quatre milles personnes meurent directement chaque année en France d'infections nosocomiales contractées dans les hôpitaux.
Heureusement, les conséquences des infections nosocomiales contractées par les patients sont le plus souvent moindres.
L'indemnisation des victimes d'infections nosocomiales a fait l'objet d'une évolution jurisprudentielle importante qui a été consacrée par la loi du 4 mars 2002.
Néanmoins, cette loi n’a pas vocation à régir toutes les situations....
I. L'infection nosocomiale : une infection contractée au sein d’un établissement de santé
L'infection nosocomiale a été définie dans une circulaire de 1988 comme « toutes maladies provoquées par des micro-organismes et contractées dans un établissement de soin par un patient après son admission pour hospitalisation ou soin ambulatoire ».
Il appartient à la victime de démontrer le caractère nosocomial de l’infection dont il fait l’objet.
Cette démonstration nécessitera le plus souvent la mise en oeuvre d’une expertise médicale.
Néanmoins, certains indices sont pris en considération pour délimiter le caractère nosocomial de l’infection.
D’une part, l'infection nosocomiale est le plus souvent admise lorsque les symptômes sont apparus lors du séjour à l'hôpital au moins 48 heures après l'admission.
A défaut, on en déduira que l'infection était en incubation au moment de l'admission et qu'elle n'a pas pu être contractée dans l'établissement de soin.
D’autre part, l’infection nosocomiale est également admise lorsque les symptômes apparaissent dans les 30 jours suivant l'intervention.
Ce délai est porté à un an pour les infections survenant en cas de mise en place de matériel prothétique (prothèse articulaire matériel métallique de fixation ou de suture).
Il existe deux types d'infections nosocomiales :
- Les infections endogènes : le patient a développé du fait de son hospitalisation une infection dont il portait préalablement les germes.
- Les infections exogènes : le malade a été infecté par un germe provenant de l'extérieur, soit par le biais d'autres malades, par le biais du personnel ou de la contamination de l'environnement Hospitalier.
La Cour de Cassation accepte d'indemniser les victimes d'infections nosocomiales qu'elles soient endogènes ou exogènes ( Cour de Cassation 1ére Civile 4/04/2006 n° 04-17491).
La Cour de Cassation considère en effet que même si le patient est porteur d’un germe, celui-ci ne s’est révélé que par le biais des actes de soins invasifs réalisés.
Par contre, le Conseil d'Etat refuse de retenir la faute dans l'organisation du fonctionnement du service Hospitalier lorsque que le patient présente une infection nosocomiale endogène (Conseil d'Etat 27 septembre 2002).
La loi du 4 mars 2002 consacrant le régime d'indemnisation des victimes d'infections nosocomiales ne permet pas de répondre à cette différence d’appréciation entre les deux ordres de juridiction car elle ne donne malheureusement pas de définition de l’infection nosocomiale.
Par conséquent, l'indemnisation d'une victime d'infection nosocomiale endogène dépendra de la nature publique ou privé de l'établissement dans lequel elle a été hospitalisée.
Les dispositions de la loi du 4 mars 2002 ne s'appliquent qu'aux infections nosocomiales consécutives à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001.
Il existe donc deux régimes d'indemnisations selon la date des actes médicaux générateurs d'infections nosocomiales.
II. L'indemnisation des infections nosocomiales contractées à la suite d'actes médicaux antérieurs au 5 septembre 2001.
Les règles d'indemnisations de ces infections ont été définies par la jurisprudence de la Cour de Cassation et du Conseil d'Etat et dépend donc de la nature publique ou privée de l’établissement de soins.
a) La Cour de Cassation
Par trois arrêts du 29 juin 1999, la Cour de Cassation a précisé que " le contrat d'hospitalisation de soin conclu entre un patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier, en matière d'infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve de la cause étrangère".
Dans le cadre de l'un de ces arrêts, la responsabilité d'un praticien a été consacrée.
Nous verrons que la loi du 4 mars 2002 ne concerne que la responsabilité des établissements de santé en cas de survenance d'infection nosocomiale.
Autrement dit, l'infection nosocomiale contractée chez un praticien ne relèvera pas de cette loi
b) le Conseil d’Etat
Concernant le Conseil d'Etat, il a très tôt affirmé que les infections nosocomiales révélaient s une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public Hospitalier et engageaient la responsabilité de celui-ci.
Cette présomption de faute ne peut être renversée que par la preuve que le patient était porteur du germe infectieux lors de son entrée à l'Hôpital (infection endogène), démonstration qu'il appartiendra à l'établissement public de santé de rapporter.
III Les règles d'indemnisations des victimes d’infections nosocomiales contractées à la suite d'actes médicaux postérieurs au 5 septembre 2001.
L'article L 1142-1 du Code de la Santé Publique définit notamment les régimes d’indemnisation applicables en cas d’infections nosocomiales.
Concernant les infections nosocomiales, cet article précise que les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.
Par conséquent, la loi du 4 mars 2002 a consacré la jurisprudence antérieure confirmant l'obligation de sécurité de résultat des établissements de soins.
Cependant, la loi n'étend pas ce régime aux praticiens dont la responsabilité en matière d'infections nosocomiales ne pourra être engagée que sur le seul terrain de la responsabilité pour faute, preuve à la charge de la victime ( Cour de Cassation 28/01/2010 n°08.20571, arrêt cassant un arrêt d’appel ayant condamné une clinique et un médecin sur le fondement de la loi du 4 mars 2002 alors qu’aucune faute n’était prouvée à l’égard de ce dernier).
Ainsi, à l’égard du médecin, pour les infections nosocomiales inhérentes :
- à un acte médical antérieur au 05/09/2001, le régime d’indemnisation est celui de la présomption de faute
- à un acte médical postérieur au 05/09/2001, le régime d’indemnisation est celui de la faute prouvée
Enfin la loi du 4 mars 2002 prévoit, que lorsque la cause étrangère est établie, l'indemnisation de l'infection nosocomiale est prise en charge par le biais de la solidarité nationale :
« lorsque la responsabilité de l'acteur de santé ne peut être engagée, le malade ou, en cas de décès ses ayant droit, peut obtenir la réparation des préjudices liés à une infection nosocomiale au titre de la solidarité nationale, par le biais de l'Office National d'indemnisation des accidents médicaux ( ONIAM) »
Outre la date de l’acte inhérent à l’infection qui doit être postérieur au 05/09/2001, l'indemnisation par l’ONIAM dépend néanmoins de certaines conditions.
Tout d'abord, la victime doit être atteinte d'une infimité conséquente, la loi prévoyant un seuil de recevabilité de la demande fixé à 24 % d'incapacité permanente partielle.
Néanmoins sans atteindre ce pourcentage d’incapacité, le caractère de gravité du dommage est également reconnu lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail est au moins égale à 6 mois consécutif ou non sur une période de 12 mois.
Enfin, le caractère de gravité peut-être satisfait à titre exceptionnel dans deux hypothèses:
- lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant l'accident.
- lorsque l'incident occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans les conditions d'existence de la personne.
La prise en charge par la solidarité nationale des infections nosocomiales n’est pas très fréquente en raison de la difficulté pour les hôpitaux ou établissement de santé privé de s’exonérer de leur responsabilité en démontrant l’existence d’une cause étrangère.
Par conséquent, la loi du 4 mars 2002 aboutit à étendre le champ des risques que doit garantir les assureurs des établissements de santé.
Sous la pression de ces derniers, le législateur a ajouté un nouvel article L1142-1-1 du Code de la Santé Publique qui prévoit :
- Que les infections nosocomiales causant une incapacité permanente inférieure ou égale à 25 % d'IPP resteraient à la charge des établissements de santé.
- Que les infections nosocomiales causant une incapacité permanente supérieure à 25% d'IPP ou le décès, seraient indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM.
Par conséquent, même en cas de faute, l’interlocuteur de la victime pour l’obtention d’une indemnisation pourra être l’ONIAM.
IV Un régime d’indemnisation applicable uniquement aux usagers des établissements de santé
Par un arrêt du 3/05/2007, la Cour Administrative d’appel de BORDEAUX a précisé que la loi du 4 mars 2002 ne pouvait s’appliquer à l’indemnisation des tierce personnes ou des visiteurs ayant contracté une infection à la suite de leur présence auprès des malades.
Par un arrêt du 29 janvier 2009, la Cour Administrative d’appel de NANCY a confirmé que la loi du 4 mars 2002 ne concernait que la responsabilité des établissements à l’égard de leurs patients et non de leur personnel.
François LAMPIN, Avocat au barreau de LILLE